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Deux femmes et trois hommes. Deux Africains et trois Européens. Tous enseignants-chercheurs en gestion dans des business schools françaises. Nous ne nous connaissons pas (bien). En amont de la conférence #AIMS2019, sur une plage au bout de l’Afrique (île de Ngor), nous entamons ensemble notre expérience en Teranga sénégalaise. Marchander une traversée en pirogue, voyager avec une inconnue sur les genoux, se laisser guider par un jeune dans le village, se faire mordre par un pélican pourtant domestiqué… une première expérience « touristique » de la côte de Dakar qui soude une certaine complicité au sein du groupe.

Le lendemain, la partie académique de notre voyage débute réellement avec la rencontre de makers et entrepreneurs locaux. C’est l’occasion de tester le protocole de recherche « OWEE » développé par le collectif RGCS, pour la première fois en Afrique après une trentaine d’éditions en Europe, Amérique et Asie. Ces open-walked event-based experimentations sont des postures d’observation et d’appropriation des phénomènes autour des nouvelles pratiques de travail et du futur du travail.

 

Plus que de simples « bidouilleurs »

Depuis le début de cette learning expedition, ce sont souvent les mêmes interrogations qui remontent. Qu’est-ce qui est différent ici de ce que nous connaissons mieux en Europe et Amérique du Nord ? Que signifient faire et entreprendre dans le contexte de l’Afrique ? Plus globalement, y a-t-il un modèle spécifique de management en Afrique, voire africain ? L’on pourrait également reformuler la question pour savoir s’il est (réellement) nécessaire d’adapter les modèles de management à ce territoire, ou ensemble de territoires. Est-ce une nécessité ? Une urgence ? Un contre-sens ? Une utopie ? Une dystopie ? S’agit-il en fait d’adopter une perspective contextualiste ou essentialiste de la question ; une vision normative ou performative ?

Dans un pays comme le Sénégal, où beaucoup ont l’habitude de se débrouiller avec ce qu’ils trouvent, que signifie alors être un maker ? Les décharges et les rues regorgent de bricoleurs frugaux aux ressources limitées. L’universitaire franco-américain Navi Radjou, spécialiste de l’innovation frugale, a décrit de manière détaillée dans plusieurs ouvrages cet art de la débrouillardise. En Inde, on parle de « jugaad » ; au Sénégal, de « djengou » et en Côte d’Ivoire, de « grigra ». Comment expliquer dans ces conditions l’arrivée de fab lab « occidentaux » en Afrique de l’Ouest ? Assiste-t-on à une récupération de pratiques traditionnelles ou à l’émergence de nouvelles pratiques?

 

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