Crédit : Morgane Le Cam/Le Monde

 

Assise au fond de sa cour, Yaya Sidibé a le regard fuyant et les yeux embués d’une femme en souffrance. Le simple fait de témoigner est une douleur pour cette frêle Malienne d’une quarantaine d’années. Quatre ans ont passé depuis le décès de son mari, et elle n’a rien oublié de ce maudit jour de 2014 où elle est devenue veuve : « Il voulait aller travailler en Europe pour nous nourrir, parce que chez nous, la vie est difficile. Il a pris le bateau en Libye. La mer l’a emporté », raconte-t-elle, en contemplant ses trois enfants. Avec lui, 45 autres migrants périrent ce jour-là, tous originaires de la même petite ville de l’ouest du Mali : Oussoubidiagna, 6 900 habitants.

« Il voulait aller travailler en Europe pour nous nourrir, parce que chez nous, la vie est difficile. Il a pris le bateau en Libye. La mer l’a emporté »

Ce naufrage, et tant d’autres ensuite, n’empêchent pas les nouveaux départs. A l’instar de Yaya Sidibé, les autorités régionales assistent, impuissantes, à la répétition tragique de l’histoire. « Quand les jeunes meurent comme ça, on se dit que c’est l’avenir de notre commune qui est hypothéqué, soupire le sous-préfet d’Oussoubidiagna, Bemba Tounkara. Mais ils refusent de laisser la route. Quoi qu’on leur dise, ils veulent aller chercher l’eldorado européen. » Le 7 janvier, 48 Maliens sont morts dans les eaux libyennes. En 2015, ils avaient été 376, un record en si peu de temps.

 

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